L’art de la novlangue au CIC SO : Un festival pour « vous avez la parole »

Dans le monde de l’entreprise, il y a une perversion du langage, la NOVLANGUE.

Cette Novlangue on la retrouve partout ! Elle joue souvent sur les mots avec des euphémismes, des oxymores et des pléonasmes. Ainsi, dans l’entreprise, on préfère parler de “collaborateur” plutôt que d’employé, de « croissance négative » plutôt que de récession, d’ »optimisation » ou « mutualisation »  plutôt que de restructuration, de « flexibilisation » plutôt que de licenciement, « d’exigence bienveillante » plutôt que de pression commerciale,  de « problèmes personnels » plutôt que de difficultés professionnelles. Autant de mots qui sonnent bien à l’oreille mais qui sont en fait insubstantiels. Pour la bonne bouche, vous trouverez quelques expressions type en cliquant ici ou ici. Vous pouvez mixer à volonté, çà marche toujours….

Si George ORWELL, dans son roman 1984, invente la « novlangue » ce trucage de la langue jusqu’à l’anéantissement de la pensée, les entreprises ont trouvé dans cette nouvelle langue (plus pernicieuse que la langue de bois) une manière de présenter les choses à l’avantage de la Direction quitte à travestir la réalité. Pourquoi se plaindre puisque lorsque l’on se « benchmark », il y a toujours plus pauvre et plus mal loti. L’étalon devient le Plus Pauvre Dénominateur Commun. L’ascenseur social étant fermé pour cause d’absence d’entretien (en fait il est maintenant réservé à quelques obligés), prenez l’escalier… il descend ! Notons d’ailleurs qu’il y a de plus en plus de monde dans l’escalier, certains qui prenaient l’ascenseur s’y retrouvant souvent !

Platon disait que « la perversion de la Cité commence par la fraude des mots« . Rien n’a changé ! L’usage est bien installé. Voire s’est professionnalisé avec les gourous de la communication, les cabinets de consulting…

Alors lorsqu’il faut présenter les résultats du sondage #vous avez la parole# au CIC SO, on s’applique à bien choisir ses mots : Vite, utilisons le lexique professionnel et validé internationalement de la communication en Novlangue ! Ainsi, le moindre petit point positif est accentué devenant un vrai point fort et les vrais problèmes sont édulcorés et deviennent de simples voire petits «points d’attention particulière » ou «quelques points un peu durs » ou « des points à améliorer« .

Les résultats feront l’objet d’une prochaine publication confidentielle pour les syndiqués.

Alors, traduit en Novlangue, le rapport de la Direction Générale du CIC SO devient : Globalement le ressenti est plutôt positif même si il y a quelques petits points durs qui tournent autour de l’organisation au travail, de la reconnaissance et la carrière, et de l’intérêt au travail ; Sujets qui n’amènent toutefois pas de révolution dans notre perception de la chose….

Quel art de l’enfumage ! Ces sujets, ne seraient ils pas au centre de la valeur travail, de l’engagement, de la confiance (en soi et en la Direction), du respect ?????

Et pour la tombée de rideau : En nous expliquant la difficulté à comprendre les résultats sans les verbatim (que la DRH a intégralement lu bien que ce fut fastidieux !) et sans l’accès aux détails des réponses (que la DRH a analysé avec minutie !), la Direction Générale rappelle qu’il faut être prudent dans l’analyse (qui n’est pas binaire) car on peut faire 36 conclusions différentes. Ainsi, pour éviter des conclusions non pertinentes, colporter des informations erronées car sorties de leur contexte, la Direction Générale préfère limiter la diffusion des résultats uniquement aux représentants du personnels et fera une synthèse pour l’ensemble du personnel. A quand cette synthèse ? Le moment venu…  Bon, on n’en est pas encore aux Calendes Grecques mais je constate qu’il n’y a rien au prochain CSE d’octobre, soit 4 mois après présentation des résultats aux élus.

Donc en novlangue, on s’autosatisfait de l’image du groupe car elle nous valorise, notamment grâce à la raison d’être, au statut d’entreprise à mission, aux engagements sociaux et environnementaux, et à l’innovation… Cela ne coute rien de le rappeler…

Et localement pour le CIC SO, on identifie des petits « points d’attention particulière » qui feront l’objet de réflexion en coordination avec toutes les Directions générales concernées, les comités de Direction élargis aux directeurs de marchés pour pouvoir apporter des réponses adaptées aux préoccupations de tous, la première étant la qualité de la communication interne… !

Bla Bla Bla !

En retraduisant de la novlangue au langage commun : Il y aura une réunion d’entre soi, dirigée sans opposition accouchant d’une synthèse creuse passe partout sur des sujets secondaires qui sera parole d’évangiles d’une Direction qui montre qu’elle agit !

 

 

Et gare à ceux qui bougent ! 1 2 3 Soleil ! ! Vous avez bougé, vous êtes éliminé ! Vive les jeux de nos enfances !

 

 

 

 

 

Si en privé, nombre de salariés conscients de ce qui se passe parle tout bas, collectivement l’option raisonnable est souvent le silence ou l’immobilité, car le coût de prendre la parole (en public ou privé) ou de bouger devient trop élevé (clin d’oeil à notre illustration); Dans la banque on parle du ratio de risque la VAR. Clairement la VAR n’est pas à l’avantage des salariés. Le sondage à réponse confidentielle, dont l’initiative revient à la Direction Générale du Groupe et c’est à mettre à leur profit, a permis de sortir de cette option rationnelle qu’est le silence. Et la participation, même si en baisse, reste massive. Amenant un risque que n’avait peut être pas anticipé la Direction Générale : La réalité !

C’est ainsi que via un message à destination de TOUS les salariés du groupe, la Direction Générale du groupe CMAF elle même reconnait clairement que les résultats sont « moins bons » avec une dégradation du ressenti des conditions de travail ; Au CIC SO qui pourtant se distingue négativement en décrochant plus fortement sur de nombreux items, la Direction Générale estime que notre entreprise est dans la tendance du groupe mais que le ressenti reste globalement positif ! C’est d’ailleurs le ton du courriel de notre Directeur Général, intégralement copié-collé de celui de la DRH Groupe. Georges ORWELL aurait pu décerner à notre Direction la médaille d’or de la Novlangue…  Au royaume des aveugles, les borgnes sont rois ! Mais sommes nous aussi aveugles ?

Alors, clairement NON le ressenti de 69% des ETP du CIC SO n’est pas positif !  D’ailleurs, moins de 46% des sondés ont encore une opinion positive de la Direction Générale du CICSO, en baisse de 9 points. Un camouflet pour la même équipe aux manettes depuis 2019 car au niveau du groupe, cela reste stable à 55% !
Et OUI nous nous dissocions de la DRH dans leur analyse des résultats et dans leur approche des réponses à apporter. La priorité est de redonner du sens, de l’intérêt au travail, du respect et de l’engagement et pas de prioriser la mise en place d’un comité théodule pour la communication interne.

Pour sortir de l’ornière, il faudrait donc de la part de la Direction Générale, surtout du Codir (car les managers intermédiaires conservent encore 57% d’opinions favorables (Ndlr : 62% pour le groupe) et tant mieux), une acceptation de la réalité, de l’humilité plutôt que de la suffisance, et une vraie remise en question. Les bons résultats financiers n’excusent pas la dégradation de nos conditions de travail.

Dans toute entreprise confrontée à un problème d’engagement, d’intérêt au travail, de confiance, de respect des salariés…, le déni est mortifère car c’est l’engrenage de la spirale de déclin. Le désengagement devient systémique, plus personne n’essayant de faire le moindre petit effort non mesuré pour corriger un dysfonctionnement…Les dysfonctionnements deviennent normatifs puisque la machine s’adapte même si elle se bancalise. Moins égal plus. Enfin, chacun fait encore semblant d’y croire pour survivre au moins jusqu’au lendemain. A la fin, il n’y a pas de coupables, à peine des responsables pour autant qu’il y ait un mea-culpa. Et il y a toujours des fusibles à faire sauter avant le blackout. Le lâchage en règle est tellement bien huilé…Et pour ceux restés sur le champs de bataille, pas même une épitaphe !

Face à une direction défaillante, c’est aux organisations syndicales de prendre la main.

Au CIC SO, à l’issue de nos discussions entre élus et représentants, nous constatons que la CGT n’est pas la seule organisation représentative du CIC SO à avoir une analyse similaire de la situation. La Qualité de Vie au Travail n’est pas un combat isolé mais il nous appartient à tous. L’union fait la force, la désunion fait celle de la Direction.

Alors espérons que nous pourrons nous entendre, travailler de concert car il me semble que désormais les syndicats doivent prendre la parole !

La CGT CIC SO, seule ou accompagnée, la prendra en tout cas ! C’est notre raison d’être.